La vie privée continue de perdre ce qui lui reste de sa valeur en Chine, toutefois, il semble que ce point de vue qui est lié aux systèmes de crédit social en test dans le pays depuis 2014, n’est valable qu’à l'extérieur de la Chine. Le constat dans l’empire du Milieu est que les Chinois ont déjà adopté toute une gamme de systèmes privés et gouvernementaux qui recueillent, regroupent et distribuent des enregistrements de comportements numériques et hors ligne, avait rapporté Bloomberg dans un article publié en janvier dernier. En effet, ce réseau de systèmes dits de crédit social, présenté dans de nombreux pays comme la censure de la confidentialité, est considéré en Chine comme un moyen de procurer au pays une denrée rare qui est la confiance entre les citoyens et entre les citoyens et les entreprises chinoises. Et pour ce faire, les citoyens acceptent le prix qui est d’être surveillés en permanence, selon Bloomberg.
Dans son article publié en début d’année, Bloomberg avait rapporté une série d’informations qui font croire que la vie privée n’est plus aussi privée en Chine. Selon Bloomberg, le système judiciaire d’une ville chinoise venait de lancer une carte basée sur un téléphone intelligent qui affiche l'emplacement et l'identité de toute personne se trouvant dans un rayon de 500 mètres et qui se trouve sur une liste noire de solvabilité du gouvernement. En effet, dans la province du Hebei, au nord de la Chine, il sera plus difficile pour les mauvais payeurs de s'enfuir, car le tribunal populaire supérieur de la ville a lancé en janvier un mini-programme sur WeChat qui les cible. Appelé « Deadbeat Map », le programme fournit une confirmation précise, la possibilité de partager cette information via les médias sociaux et - si cela est nécessaire - une fonction de reporting pour informer les autorités.
Cependant, ce programme, qui s’apparente à une prison pour les débiteurs du gouvernement chinois, fait partie d’un grand nombre de systèmes privés et publics que les Chinois ont déjà adopté. Selon l’article, les raisons de cette adoption seraient en partie liées à la « méfiance mutuelle entre les citoyens » dans le pays.
Les systèmes de crédit social comme palliatif au manque d’institutions qui favorisent la confiance entre citoyens et entreprises
Selon Bloomberg, la Chine aspire depuis à la construction d'une économie « basée sur la consommation ». Mais cet objectif exige que les consommateurs aient accès au crédit. Or, selon l’article, la croissance économique de la Chine a dépassé sa capacité de créer et de contrôler des institutions qui favorisent la confiance entre citoyens et entreprises, tout comme dans de nombreux pays en développement. C’est ainsi que le gouvernement chinois, qui considère depuis longtemps les questions de la confiance comme plus que des problèmes sociaux, a lancé, en 2014, une feuille de route pour l'établissement d'un « système de crédit social » avec des mécanismes pour « récompenser la loyauté et punir la méfiance », peut-on lire dans l’article de Bloomberg.
Les parents chinois continuent d’éviter l'industrie laitière du pays, 10 ans après qu’il ait été révélé que les producteurs de lait chinois s’étaient livrés à la falsification des préparations pour nourrissons. La méfiance demeure également presque universelle vis-à-vis du secteur de la production alimentaire et bien d’autres secteurs de production, dont Alibaba Group Holding Ltd, Tencent Holdings Ltd. et Pinduoduo Inc, qui sont connues comme des marchés florissants pour les contrefaçons. Cela mine la crédibilité du commerce électronique chinois en général ainsi que la confiance des citoyens.
La Chine connait également des systèmes d’escroqueries et de fraudes - y compris les escroqueries par fréquentation – qui ciblent des individus et des familles. Cela contribue à un climat général de méfiance, et pousse le citoyen chinois à accueillir favorablement tout système qui pourrait l’aider à tester la crédibilité des personnes qu’il fréquente.
Une multitude de systèmes de crédit social privés et gouvernementaux en Chine
Au moment où Bloombeg publiait son article en janvier, il existait plus de 40 systèmes de crédit social privés et gouvernementaux dans toute la Chine. Parmi les systèmes privés, nous avons Sesame Credit, une filiale d'Alibaba, qui recueille et agrège les données générées sur les services d'Alibaba, telles que l'historique de paiement d'un client et l'enregistrement du temps dispensé et de l'argent dépensé en ligne. Le système élabore ensuite un score qui est utilisé pour accorder un crédit et d'autres avantages aux utilisateurs.
Certains systèmes utilisés par le gouvernement se présentent sous forme d’une liste noire nationale des personnes qui n'ont pas, par exemple, respecté les jugements des tribunaux. Ceux qui sont concernés peuvent être privés de participer à toute une série d'activités, tels que séjourner dans des hôtels de luxe, inscrire leurs enfants dans des meilleures écoles, voyager par avion.
Selon les chiffres du rapport 2018 issus du centre chinois en charge de la gestion des informations du système de crédit social, la Chine a interdit à 17,5 millions d’individus d’acheter des billets d’avion et à près de 5,5 millions de faire l’acquisition d’un ticket de voyage en train. 128 personnes ont même reçu l’interdiction de quitter le territoire. Par ailleurs, en Chine, les personnes qui changent d'emploi trop souvent pourraient être sanctionnées par le système de crédit social.
Cependant, ces prisons numériques de débiteurs se sont révélées extrêmement populaires en Chine, selon une enquête menée en 2018. Sur les pus de 2 200 citoyens chinois auditionnés, 80 % d'entre eux avaient adhéré délibérément à un système de crédit social commercial (le crédit Sésame étant le service le plus populaire), bien que seulement 7 % savaient qu'ils avaient été intégrés à un système gouvernemental. Plus surprenant encore, 80 % des répondants approuvaient quelque peu ou fortement les systèmes de crédit social. Et le soutien le plus fort venait des citadins plus âgés, instruits et plus riches, alors que cette population est généralement associée à des valeurs plus « libérales » comme le caractère sacré la vie privée.
76 % des participants à l'enquête ont déclaré que la « méfiance mutuelle entre les citoyens » est un problème dans la société chinoise. Les systèmes de crédit social sont considérés comme un moyen de combler ce manque de confiance. En 2016, lorsque l'Administration nationale du tourisme a publié les noms des personnes interdites de voyage en avion, les nouvelles ont généré des milliers de « Likes » et de commentaires sur le site de médias sociaux Sina Weibo.
Il est possible que de nombreux citoyens n'aient pas réfléchi aux conséquences de leur décision de donner un accès total à leur vie privée au gouvernement. Sinon, quelle utilisation profitable pour quelque utilisateur que ce soit a un système tel que Deadbeat Map, à part pousser les débiteurs du gouvernement à se tenir à l’écart de la société (à plus de 500 mètres des autres, si cela possible) pour éviter d’être dénoncé aux autorités.
Selon Bloomberg, ceux qui soutiennent de tels systèmes sont ceux qui pensent qu’ils en tirent des avantages. Ces avantages accordés pourraient être un prêt, de la possibilité de louer une voiture ou de partager un vélo sans avoir à verser une caution, ou de la possibilité d'évaluer la solvabilité d'une personne rencontrée sur une application de rencontre, à son insu. Pour ces personnes, la vie privée peut être le prix d’une amélioration de la qualité de vie.
Si le gouvernement autoritaire chinois, avec lequel toutes les entreprises opérant en Chine sont obligées de collaborer, parvient à consolider ses divers systèmes en une technologie globale qui évalue les individus en fonction d'une foule de critères, certainement que ceux qui préfèrent les avantages à la confidentialité changeront de point de vue.
Source : Bloomberg
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Pourquoi les systèmes de crédit social de la Chine sont étonnamment populaires ?
Ils combleraient la « méfiance mutuelle entre les citoyens »
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Le , par Stan Adkens
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